Plutôt que le retrait, le capital du 2e pilier peut être mis en gage pour accéder à la propriété. Passage en revue des avantages et inconvénients des deux solutions. Extrait du «Guide de votre prévoyance», à paraître prochainement

Au cours de ces dernières années, l’accession à la propriété a été fortement soutenue par la possibilité de retirer son capital de 2e pilier dans ce but. En effet, chaque année il y a 35 000 retraits pour un total de 2,6 milliards de francs. Toutefois, ce choix n’est pas sans risque, comme le Conseil fédéral s’en fait l’écho dans son projet de rapport à l’Assemblée fédérale sur l’avenir du 2e pilier, publié à fin décembre 2011. Au point de proposer de modifier la législation actuelle qui permet aux assurés de retirer leur avoir de vieillesse accumulé jusqu’à 50 ans, jusqu’à 40 ans seulement. Quant à la possibilité de procéder, après 40 ans, au retrait de la moitié de la prestation de libre passage, elle serait supprimée.

Cette recommandation n’étonne guère et se justifie parfaitement, surtout pour ceux qui disposent de moyens modestes, d’autant plus que les prix de l’immobilier sont actuellement très élevés. Si vous êtes dans ce cas et que vous videz votre caisse de pension pour acquérir un bien immobilier, vous êtes exposé à un retournement du marché. Si par malheur vous avez un accident professionnel ou personnel, et que vous êtes obligé de vendre à ce moment-là, vous risquez de perdre ce que vous aviez sorti de votre 2e pilier. Vous seriez alors doublement pénalisé.

Il faut en outre prendre garde à ne pas perdre une partie de ses couvertures en cas d’invalidité ou de décès, comme cela se produirait si votre caisse de pension appliquait un plan en primauté de cotisations pure. En d’autres termes, non seulement les prestations de vieillesse seraient réduites, mais également celles qui couvrent l’invalidité ou le décès. Mais de nombreuses caisses ont en fait adopté des régimes mixtes, c’est-à-dire en primauté de cotisations pour la prévoyance vieillesse et en primauté de prestations en matière de décès et d’invalidité. De cette manière, ces risques continueraient à être couverts au même niveau qu’auparavant.

Pour être plus concret, prenons le cas d’un salarié affilié à une institution de prévoyance appliquant un plan en primauté de cotisations pure. Les rentes d’invalidité et de survivants sont ainsi déterminées sur la base de l’avoir de vieillesse prévisionnel sans intérêts, c’est-à-dire que l’accumulation des intérêts à venir n’est pas prise en compte, contrairement aux rentes de vieillesse, dont la base de calcul est l’avoir de vieillesse prévisionnel avec intérêts.

On suppose ainsi que l’avoir de vieillesse de notre salarié se monte à 180 000 francs. On imagine également que sa caisse a calculé qu’il devrait accumuler un avoir de vieillesse sans intérêts de 500 000 francs lorsqu’il arrivera à la retraite. Sa rente d’invalidité est obtenue grâce au taux de conversion de 6,8% de ce montant, soit 34 000 francs (= 6,8 % x 500 000 francs). Si le capital a été amputé de 100 000 francs, utilisés pour accéder à la propriété de son logement, la rente d’invalidité sera évidemment plus basse puisque calculée sur un avoir de vieillesse prévisionnel de 400 000 francs seulement, soit 27 200 francs (= 6,8 % x 400 000 francs). Au total, sa rente d’invalidité annuelle serait diminuée de 6800 francs, comme on le voit dans le graphique en haut de page.

Si l’on se penche maintenant sur l’impact du retrait d’une partie du 2e pilier sur les rentes de vieillesse de l’assuré, l’estimation ne peut être précise, car la rente sera calculée sur l’avoir de vieillesse prévisionnel avec intérêts. Le résultat réel dépendra donc de la progression du salaire de l’assuré, à la base des cotisations, du taux d’intérêt minimal, très fluctuant, et enfin du taux de conversion, qui va progressivement être réduit jusqu’à 6,8% en 2014.

Il est toutefois facile de comprendre que si l’assuré retire, par exemple, 100 000 francs de sa caisse de pension, son avoir de vieillesse sera réduit de ce montant et de l’accumulation des intérêts composés à venir sur cette somme. On suppose que l’avoir de vieillesse de cet assuré accusera un manque final de 150 000 francs (capital + intérêts) à la veille de sa retraite en raison de ce prélèvement. Grâce au taux de conversion, qu’on suppose alors de 6,8%, on pourrait calculer la réduction de sa rente de vieillesse annuelle en multipliant le montant de l’avoir de vieillesse manquant par le taux de conversion, soit 10 200 francs (= 6,8% x 150 000 francs).

Pour ceux dont la caisse de pension est en primauté de cotisations pure, il serait sans doute plus judicieux de recourir à la mise en gage du capital en lieu et place du retrait. En effet, ce choix permet à l’emprunteur de conserver son avoir de vieillesse – qui peut continuer à s’accumuler à l’abri de l’impôt sur le revenu et sur la fortune – sans subir donc de réduction de prestations et en évitant l’impôt qui ponctionne le retrait. Tandis qu’en primauté de prestations, cette solution permet de conserver intact le droit au versement du dernier salaire, par exemple 60%.

Mais, évidemment, l’inconvénient de la mise en gage, c’est que les charges d’intérêts et d’amortissement sont plus élevées que dans la solution du retrait puisque les fonds étrangers y sont plus importants. L’accroissement de ces charges sera toutefois partiellement compensé par la déduction fiscale des intérêts versés en sus. A noter encore que, si la mise en gage est habituellement plus favorable, elle ne met pas moins en péril l’avoir de vieillesse en cas de pépin. Dans le cas où le débiteur n’arriverait plus à faire face à ses échéances et serait obligé de vendre son logement à perte, le solde serait alors couvert par son avoir de vieillesse…

Enfin, il convient de préciser que la mise en gage n’est de loin pas acceptée par tous les prêteurs. En effet, le capital gagé ne serait plus disponible si l’emprunteur devenait invalide. Théoriquement, les rentes qui seraient versées à cet assuré pourraient être saisies par le créancier en cas de problèmes, mais une telle démarche n’est socialement guère acceptable et serait sans doute très dommageable pour son image.

Cet article est le troisième d’une série consacrée à la prévoyance. Prochain épisode le 11 juin, consacré à la rente pont AVS