FONDS DE PLACEMENT Multiplication des possibilités d’investissement sur des marchés de plus en plus exotiques. Généralisation de l’architecture ouverte. Autant d’éléments qui ont dopé l’usage de ces instruments.

Longtemps considéré comme le véhicule d’investissement du pauvre, le fonds de placement fait aujourd’hui partie des instruments incontournables de toute offre de gestion de fortune qui se respecte. Et il ne s’agit plus de proposer uniquement ses propres produits, mais toute la palette des fonds disponibles sur le marché. Cette politique, appelée architecture ouverte, a été adoptée par l’ensemble des acteurs du secteur.

Il est légitime de s’interroger aujourd’hui sur la réalité de cette politique d’ouverture, Il est évident qu’aucun établissement, même parmi les plus grands et les plus sophistiqués, ne peut couvrir tous les segments et tous les styles de gestion. Comme il n’est pas surprenant que des conflits d’intérêts surgissent, surtout si la banque gère elle-même des fonds. Mais les établissements privilégient-ils toujours les fonds tiers s’ils sont plus performants ?

Pour la constitution d’un portefeuille sous mandat, il est indispensable de comprendre le processus de sélection de ces fonds, leur mode d’utilisation et le cadre dans lequel ils s’inscrivent.

Banque Cantonale de Genève

La BCGE propose l’approche la plus radicale en matière de gestion sous mandat. Jean-Luc Lederrey, responsable du service d’analyses financières de la banque, détaille : « La grande majorité de nos clients sous mandat sont gérés en fonds de placement pour la partie actions, La banque a ainsi décidé de déléguer aux meilleurs gérants du marché la sélection des actions : c’est le principe du « BCGE Best of », En revanche, pour la partie obligations, elle est toujours construite avec des obligations en direct. » Quant à la sélection. elle se porte uniquement sur des fonds tiers, ce qui permet d’éviter tout conflit d’intérêts avec des fonds maison.

Haroldo Jimenez, analyste financier et spécialiste de la sélection de fonds auprès de la banque genevoise, précise : « Le but n’est pas de sélectionner le gérant ayant la meilleure performance relative, à l’image des classements publiés dans les journaux spécialisés, mais plutôt de construire un portefeuille qui soit robuste et performant, basé sur la diversification non pas classique, mais par style. Cette stratégie doit permettre au portefeuille de moins baisser lorsque le marché traverse une période de turbulences et de faire au moins aussi bien que lui en période de hausse. Nous recherchons les gérants les plus stables et les plus cohérents dans un style donné, Ensuite, nous choisissons ceux qui dégagent de la performance et qui ont un profil de risque/performance supérieur à la moyenne. »

Comme les rendements des fonds ne suivent le plus souvent pas une loi normale – c’est-à-dire que même des produits à faible volatilité peuvent connaître des événements extrêmes, sous forme de fortes pertes –, la banque prête une attention spéciale aux comportements des fonds dans ces zones extrêmes. Ce sont souvent ces variations qui font la différence.

En plus des outils de l’analyse quantitative, l’analyse qualitative joue un rôle essentiel dans le choix du gérant. Haroldo Jimenez rajoute : « Nous discutons avec le gérant pour essayer d’appréhender sa philosophie d’investissement afin d’identifier les risques qualitatifs. Ces derniers peuvent être liés au degré de solidité de l’organisation, à l’opérationnel, au processus d’investissement, au contrôle de risque pratiqué ou encore à la vie privée du gérant. L’analyse qualitative nous informe sur les sources de performance du gérant, et l’analyse quantitative nous permet d’évaluer sa capacité à exploiter ses sources. »

Vontobel

Selon Vontobel, les fonds de placement jouent un rôle très important pour la clientèle privée sous gestion. Daniel Brühwiler, chef du Portfolio Management Private Banking, éclaire : « Nous avons décidé d’investir sur les marchés étrangers majoritairement avec des véhicules de placement collectifs, tels les fonds de placement, les certificats ou les ETF, pour assurer une diversification idéale et parce que nous avons un très bon service de sélection de fonds de placement. Par exemple, pour un mandat en francs suisses de plus d’un million, nous investissons dans le marché suisse de manière directe, mais par le biais de fonds aux États-Unis et au Japon. » Pour choisir les fonds, la banque procède par une analyse tant quantitative – performance, ratio de Sharpe, etc. – que qualitative, qualité du management, style d’investissement, consistance. Ce qui est le plus Important, c’est le track record.

« Au total, la proportion de fonds maison par rapport à l’ensemble des fonds de placement dans les portefeuilles sous mandat est en moyenne de 20%, avec de grandes variations. » Concernant d’éventuels conflits d’intérêts, Daniel Brühwiler affirme que la banque suit la politique du « Best of », même si elle se fait au détriment d’un produit maison : « Nous avons un très bon fonds japonais, mais nous achetons aussi un fonds tiers sur le même segment et qui suit plus ou moins la même politique. On le propose, car il a réalisé de meilleures performances que notre fonds au cours de ces dernières années, à l’exception de 2005. » Daniel Brühwiler affirme encore que dans la gestion de patrimoine, en Suisse, la concurrence est telle qu’on ne peut plus se permettre de ne pas offrir le meilleur produit au client. « On veut évidemment vendre les produits maison, mais la grande majorité de nos fonds de placement sont vendus par d’autres banques. »

Banque Cantonale Vaudoise

À la BCV, Fernando Martins da Silva, stratège de la banque pour la gestion de fortune, indique que l’établissement propose plusieurs possibilités à ses clients pour la partie actions : uniquement des fonds – offre de base –, des fonds pour les actions étrangères et des valeurs suisses ou uniquement des valeurs individuelles – cette offre ne concerne que les clients qui disposent d’au moins 500’000 francs. Ceux qui retiennent cette dernière solution ne représentent toutefois qu’une toute petite minorité. Il y a en fait une convergence d’intérêts entre la banque et le client pour choisir les fonds de placement.

« Les critères de sélection des fonds de placement sont la performance, la liquidité et la qualité. Par performance, on entend l’analyse performance/risque et dans le temps. Si un produit n’a que six mois, on ne l’introduit pas. Il faut qu’il existe depuis au moins deux ou trois ans. Ensuite, on examine la qualité de l’entreprise et du management. On effectue des visites sur place ou on établit des contacts téléphoniques, à Londres, à Paris, ou même en Suisse. Enfin on considère la liquidité du produit, qui doit avoir une certaine taille. »

Pour éviter les conflits d’intérêts entre fonds maison et fonds tiers – 65% des fonds dans les portefeuilles discrétionnaires sont issus de la concurrence –, Fernando Martins da Silva met en avant « le processus décisionnel très clair et très transparent de la banque : les performances des spécialistes chargés de sélectionner les fonds de placement pour la gestion discrétionnaire sont mesurées. S’ils choisissent des fonds maison pour faire plaisir à l’intérieur et qu’ils ne sont pas bons, cela va péjorer leurs performances et celles de leurs mandats. »

HSBC

Chez HSBC, à Genève, les fonds de placement jouent un rôle de plus en plus important, et même majeur. C’est un des produits-clés des axes de développement de l’institution, à côté des hedge funds et des mandats discrétionnaires. En gestion discrétionnaire, HSBC fonctionne sur trois piliers, explique Édouard de Cournon, responsable du département Sélection de fonds : « Le premier pilier, qui serait la gestion discrétionnaire en ligne directe, entre guillemets ; le deuxième est la multigestion, que ce soit via des programmes de gérant de gérants ou par le biais de fonds de placement ouverts ; le troisième pilier se situe dans les mandats
alternatifs. »

Pour sélectionner les fonds, face à un univers de plusieurs milliers de fonds de placement, la banque se concentre sur les sociétés de gestion qui répondent à ses critères de risque réputationnel. « On ne veut pas aller sur une société de gestion qui pourrait être à risque. On se livre ensuite à une analyse quantitative, avec les ratios de performance, Sharpe, etc. »

Cette analyse permet d’identifier un certain nombre de fonds qui sont dans le premier ou deuxième quartile par rapport à leurs univers respectifs. Vient ensuite une analyse qualitative, réalisée en rencontrant les différents gérants pour examiner dans le détail leur manière de gérer leur portefeuille, pour voir la consistance entre les résultats obtenus et leur discours, en les suivant de manière régulière. « Pour faire ce travail, nous avons une quarantaine d’analystes dédiés à l’échelle du groupe, ainsi que l’appui des spécialistes fonds au sein de Group Private Bank disséminés autour du globe. »

En réponse à la question portant sur les éventuels conflits d’intérêts, Édouard de Cournon affirme n’avoir eu en aucune façon de message de la part de sa direction lui demandant de privilégier les fonds du groupe par rapport aux autres. « Bien sûr que si l’on doit choisir entre un fonds maison et un fonds tiers, dans la même classe d’actifs, à des niveaux de risque et de performance similaires, on se prononcera pour le fonds maison. »

Appuyant ces propos, Jean-Damien Marie, responsable de l’External Managers Group en Europe, explique que, à la différence de certains de leurs concurrents, l’unité gestion privée du groupe HSBC n’est pas dans le giron de l’unité asset management. « Nous sommes ainsi une unité dont le CEO rapporte au CEO du groupe, sur pied d’égalité avec celui de la société de création des fonds maison. »

HSBC a encore fait le choix de se concentrer sur des fonds de placement avec des gérants de niches, à vocation d’alphas très forts. C’est ainsi que le groupe a décidé de ne pas couvrir toutes les classes d’actifs. « II est donc logique que nous nous retrouvions avec plus de fonds tiers que nos concurrents. C’est ainsi que dans la focus list de fonds de placement à disposition des clients figure une grande majorité de fonds tiers. »

Banque Privée Edmond de Rothschild

À la Banque Privée Edmond de Rothschild, les fonds de placement jouent un rôle important depuis de nombreuses années, notamment en raison de la place de la gestion alternative, qui peut atteindre 33% de la gestion discrétionnaire. Or cette part-là est évidemment couverte par le biais de fonds de placement – fonds de fonds ou fonds en direct.

Michel Lusa, membre du comité de direction, approfondit : « Tout dépend de la sensibilité du client. Il n’y a pas de règle. Mais les clients réticents vis-à-vis des fonds de placement sont de moins en moins nombreux, en particulier lorsque l’on propose l’architecture ouverte, avec des fonds de tiers et des fonds de fonds. Ensuite parce que les clients comprennent bien que ce n’est qu’à travers des fonds bien sélectionnés que l’on peut investir sur des marchés nouveaux ou encore insuffisamment transparents, donc plus difficiles, comme certains marchés d’Europe de l’Est, d’Asie, d’Amérique latine, ou sur certains secteurs comme les matières premières. Et, comme nous n’avons que des fonds obligataires comme fonds maison – je considère nos fonds de fonds actions ou alternatifs comme des fonds de tiers, puisqu’ils sont investis dans des sous-jacents de tiers –, nous n’avons donc aucun conflit d’intérêts. »

Pour sélectionner les fonds, la démarche est quantitative et qualitative. Alexandre Col, responsable du département Fonds, explique : « La démarche qualitative consiste à chercher des gérants qui performent bien dans leur style spécifique et dans des conditions de marché précises. Pour comprendre pourquoi ils ont eu une telle performance, on veut leur parler, on vérifie leur CV, on veut les voir dans leur bureau, pour qu’ils nous expliquent leur portefeuille, pour comprendre leur organisation, leur organigramme, le fonctionnement de leur processus décisionnel. En résumé, ajoute notre interlocuteur, on veut savoir s’ils font ce qu’ils disent et disent ce qu’ils font. »

Avant de faire son choix parmi les gérants les plus performants, il faut d’abord reconstituer des univers vraiment comparables, que seule l’expérience et la démarche qualitative permettent de réaliser. « Cela n’a pas de sens de vouloir sélectionner, par exemple, les meilleurs gérants parmi les fonds convertibles tels qu’ils sont agrégés dans les données qui sont librement disponibles. Et c’est donc au sein de cet univers, tel qu’il a été reconstitué, que l’on effectue notre sélection. »

À cette approche bottom-up correspond une démarche top-down. Même si les meilleurs gérants de convertibles et les meilleurs event driven ou les meilleurs long-short Europe ont été sélectionnés, la question de savoir quel style sur ou sous-pondérer demeure. La banque recourt alors à une approche macroéconomique, liée à l’évolution des marchés. Enfin, il y a aussi ce que disent les gérants de hedge funds dans lesquels la banque investit. Si les deux visions sont totalement opposées, un équilibre doit être trouvé entre les deux discours. La démarche top-down se place obligatoirement dans un rapport dialectique avec l’approche bottom-up.

De plus, l’établissement travaille principalement avec des fonds de fonds. « Sélectionner uniquement un fonds tiers, c’est refuser de gérer de manière dynamique un portefeuille dédié à une classe d’actifs précise. Par exemple, le choix d’un fonds pour les actions américaines doit s’appuyer sur la réputation d’une autre grande maison ou sur la stabilité de son track record. »

Or il existe beaucoup de fonds moins établis – ou qui se comportent bien dans certaines conditions particulières de marché ou encore qui offrent une liquidité restreinte –, mais qui méritent d’être pris en compte pour qui veut couvrir le marché américain. « En conséquence nos fonds de fonds actions sont composés de quinze fonds environ et nous assumons activement notre travail de sélection et d’allocation. »

Credit Suisse

Selon la stratégie de placement et la monnaie de référence, Credit Suisse utilise une part très élevée de fonds de tiers, en poursuivant une approche Best Manager stricte. « Les fonds sont jugés selon différents critères, et il n’est pas prépondérant, dans le choix, qu’il s’agisse de fonds Credit Suisse ou étrangers. »

Pour choisir les fonds, Credit Suisse dispose de Fund Lab, remarquable outil de sélection, librement accessible et qui contient environ 2’600 fonds de 55 sociétés. De là, Credit Suisse se sert d’une série de données caractéristiques d’évaluation qualitatives et quantitatives afin de rendre différents fonds comparables. Cela suppose un contact intensif avec la société de fonds et un vaste savoir sur la structure des différents fonds de placement.

Tous les fonds sont examinés pour savoir s’ils correspondent à la stratégie de placement. Ce n’est donc pas seulement la performance qui est décisive pour la sélection, mais aussi la manière de faire. « Nous examinons les différents fonds d’après le style de placement et l’orientation régionale et/ou sectorielle, et nous choisissons le fonds qui a obtenu dans sa catégorie les résultats les plus consistants et dont nous pouvons espérer qu’il pourra obtenir également dans le futur des résultats stables et supérieurs à la moyenne. »

Avec Fund Lab, Credit Suisse peut se targuer d’un véritable avantage compétitif, notamment concernant la transparence : « Le client peut examiner à tout moment tous les fonds activement proposés sur Fund Lab, sans restrictions d’accès. Tous les mois, les faits sur la performance, le risque, l’allocation d’actifs, les commissions, etc., sont mis à jour sur 17 sous-pages par fonds. Le client peut comparer lui-même les produits. Il profite en outre d’un pricing uniforme et facilement compréhensible pour tous les fonds de Fund Lab, avec une structure de commission identique. Peu importe que ce soit des fonds maison ou non. »

UBS

UBS a évidemment adopté une architecture ouverte pour la sélection des fonds. Ils sont choisis sur la base d’une large batterie de statistiques et de considérations qualitatives. Parmi les éléments qualitatifs figurent notamment les contacts avec les différents gérants. « Nous échangeons continuellement des idées et des opinions sur les marchés pour développer une bonne compréhension de la manière dont les fonds que nous avons sélectionnés vont se comporter dans différents environnements de marché. »

Dans le cadre de son produit phare, UBS Managed Fund Portfolio, qui combine la sélection de fonds tiers avec des fonds UBS, le pourcentage de fonds externes est en moyenne de 50%, mais peut monter aussi haut que 70 à 80%.

Le biais des incitations par rétrocessions

Si le principe de l’architecture ouverte est aujourd’hui largement accepté, le choix de fonds tiers devrait être uniquement guidé par la qualité des prestations des gestionnaires. Cette sélection peut être biaisée par les rétrocessions sur les commissions de gestion que vont percevoir les distributeurs des fonds.

Alfred Strebel, responsable de Fidelity en Suisse, explique : « Ces rétrocessions s’élèvent à environ un tiers de la commission de gestion prélevée par la direction. Pour les achats dépassant plusieurs centaines de millions de francs, la proportion peut aller jusqu’à la moitié. Ainsi, pour un fonds en actions, si la commission de gestion se monte à 1,5%, la rétrocession sera de 0,75% pour un très gros cllent. » Si ces rémunérations paraissent légitimes, en raison du travail de recherche dans la sélection des fonds et de leur suivi, il n’en reste pas moins que ce système de rémunération peut s’avérer pervers. La banque ou le gestionnaire de fortune peuvent être tentés de privilégier les fonds qui vont être les plus généreux en termes de rétrocessions.

Une politique d’autant plus dommageable pour le client que, comme l’explique Alfred Strebel : « Les meilleurs fonds sont suffisamment recherchés pour se permettre d’accorder des rétrocessions moins élevées que la moyenne ». Certaines banques ou gestionnaires de fortune versent ces rétrocessions à leurs clients, « ce qui évite ainsi tout conflit d’intérêts et permet d’améliorer la performance de leurs clients ».

Du côté des banques, la question des rétrocessions semble toujours quelque peu taboue et elle n’est que rarement abordée spontanément : selon tous nos interlocuteurs, c’est toujours l’intérêt du client qui prime et c’est toujours le meilleur produit qui est retenu. Le montant des rétrocessions ne paraissant jouer qu’un rôle marginal. Au point que Fernando Martins da Silva, stratège de la BCV, affirme : « Je n’ai moi-même pas connaissance du montant des rétrocessions lorsque les décisions de sélection des fonds sont prises. »

Pourquoi des fonds dans des grands comptes ?

Si l’on comprend facilement qu’un patrimoine modeste ne puisse être géré de manière efficace avec des valeurs individuelles, on peut se poser la question de sa justification pour des fortunes pouvant aller jusqu’à plusieurs millions de francs dans le cadre d’un mandat discrétionnaire. Les réponses des banques interrogées au cours de cette enquête sont convergentes, notamment celles de Credit Suisse et de la BCV.

Ainsi, Credit Suisse justifie cette utilisation pour différentes raisons liées à la diversification : « D’une part, nous atteignons une diversification sur la base du nombre des véhicules de placement dans le portefeuille, c’est-à dire que plus il y a d’actions/obligations, plus on réduit le risque de placement non systématique. En outre, par l’intermédiaire des fonds de placement, une répartition des placements sur différentes régions et secteurs – tout comme dans différents styles de placement (Growth versus Value, Small Cap versus Large Cap) – est possible. » Enfin, et cet aspect acquiert de plus en plus d’importance, la banque diversifie aussi ses investissements avec des fonds de placement par le biais de différents managers, « qui montrent tous dans certains cycles du marché des points forts et des points faibles ».

Pour le stratège de la BCV, Fernando Martins da Silva, « les fonds de placement permettent de gérer les risques de manière beaucoup plus efficiente qu’avec des lignes directes ». Par ailleurs, ces véhicules de placement permettent de jouer certains thèmes d’investissement qu’il ne serait pas possible d’aborder avec des valeurs directes, telles les petites capitalisations ou la biotechnologie. « De plus, les fonds permettent d’aller chercher des compétences à l’extérieur de la banque, en Suisse ou à l’étranger. » Enfin, du fait de la gestion centralisée de la banque, le stratège de la BCV met en avant un dernier avantage : la rapidité dans la gestion que permettent les fonds de placement.

À la recherche de l’alpha

On pourrait imaginer que le sélectionneur de fonds de placement devrait se concentrer sur ceux qui ont dégagé les performances plus élevées sur une période d’au moins cinq ans, ajustée au risque par un ratio de Sharpe favorable ou autre ratio d’information. Mais cette approche conduirait à privilégier uniquement les marchés et les styles de gestion qui ont le mieux fonctionné au cours de la période la plus récente, sans tenir compte du caractère cyclique des différents marchés.

En fait, comme l’expliquent plusieurs des banquiers interrogés, l’objectif est de choisir les gérants qui parviennent à dégager de l’alpha, c’est-à-dire ce qu’ils sont capables de produire en sus d’une gestion passive, et ce d’une manière persistante. Sinon, autant prendre des produits indiciels, dont notamment des ETF (Exchange Traded Funds), avec des frais particulièrement bas.

Le grand problème pour tout sélectionneur de fonds sera de trouver la mesure de la capacité à dégager cette performance supérieure. Pour y parvenir, il faut analyser non seulement les performances du fonds, en les comparant aux benchmarks de leur catégorie ou à un indice de marché, en recourant aux ratios traditionnels, mais aussi en procédant à une analyse qualitative pour savoir si le discours des gestionnaires correspond à leur politique.

La recherche de ces alphas est rendue particulièrement difficile en raison de la faiblesse des instruments de mesure traditionnels, basés sur des benchmarks inadaptés. Ces mesures ne permettent souvent pas de distinguer ce qui vient de la rémunération des facteurs de risque auxquels le portefeuille serait exposé dans le cadre d’une gestion passive et celle, supplémentaire, qui serait due à l’habileté du gérant. L’alpha, en d’autres termes.

D’où l’intérêt de l’approche de la grande école de finance française l’EDHEC, qui a développé en collaboration avec Europerformance une méthodologie pour calculer l’alpha de chaque fonds. Cette approche a suscité suffisamment d’intérêt pour donner lieu à la publication du tableau des meilleurs alphas dans différents médias internationaux, dont le Financial Times. Pour parvenir à ce résultat, l’EDHEC établit un benchmark, dit reconstitué, pour chaque fonds, qui doit correspondre aux choix d’allocation d’actifs et à son style de gestion. En faisant la différence de performance entre le portefeuille effectif et le benchmark reconstitué, on peut ainsi obtenir directement l’alpha de chaque fonds que suit Europerformance – actuellement 8’000.

Benoît Falleur, directeur général d’Europerformance en Suisse, précise : « Cette mesure est absolue et indépendante de tout choix de catégorie. Les alphas sont donc comparables entre eux, non seulement à l’intérieur d’une même catégorie, mais aussi entre plusieurs catégories de style. »