Pour investir en Bourse, la stratégie la plus efficace repose sur une approche par catégorie de titres selon leur style et la phase du cycle économique anticipé.

Qu’est-ce qu’un style d’investissement?

Ce terme un peu exotique recouvre en fait un concept simple pour différencier des catégories de titres selon des critères définis par le monde académique. On peut en distinguer cinq familles, soit : « valeur, croissance, qualité, taille, basse volatilité et momentum » comme les décrit Stéphane Monier, chief investment officer (CIO) de la Banque Lombard Odier. Le style valeur se réfère à des titres qui paraissent « bon marché par rapport à leur valeur intrinsèque, comme Mercedes-Benz, BNP Paribas ou Total ». À l’opposé, le style croissance privilégie les sociétés dont on attend une croissance – justement – « supérieure à la moyenne, comme Tesla ou Amazon ». Le style qualité prend en compte les entreprises qui présentent « un modèle d’affaires résilient et des avantages concurrentiels durables, comme une très bonne marque, une rentabilité forte et peu d’endettement, et qui devraient donc surperformer sur le long terme, comme Adobe, Amgen, Procter&Gamble ou encore la SGS ». Le style taille, basé sur la capitalisation boursière, profite de la « propension des actions de petites et moyennes valeurs à surperformer les valeurs de grandes capitalisations ». Quant au style momentum, il se réfère à « la tendance des titres à poursuivre leur performance récente sur le court terme ». On peut encore ajouter le style basse volatilité, qui se réfère aux titres qui en présentent la caractéristique.

Les actions de qualité battent le marché en période de récession
Les actions américaines de qualité ont clairement surperformé le marché des États-Unis dans son ensemble pendant les trois récessions répertoriées au cours des 25 dernières années.

Source : Bloomberg/Lombard Odier

Quel style pour quelle phase du cycle économique?

Ce concept de style est d’autant plus important sur l’industrie de la gestion « qu’il a joué un rôle plus déterminant pour les rendements que les stratégies basées sur les secteurs ou les régions » indique notre expert. Selon une étude qu’il a réalisée sur le marché américain depuis l’année 2000 jusqu’à aujourd’hui, c’est le style taille qui s’avère le plus performant, c’est-à-dire les petites capitalisations. Mais si l’on ne dispose pas d’un horizon temps aussi long, il faut affiner l’analyse. C’est pourquoi il est nécessaire de décomposer les cycles économiques en différentes phases, soit : récession, reprise, expansion, état stationnaire ou encore ralentissement. De cette manière, on peut déterminer le style d’investissement le plus performant pendant chacune des périodes, « pour ensuite l’intégrer dans sa stratégie selon l’environnement économique tel qu’on l’anticipe ».

Valeurs de croissance défavorisées

Si l’on se tourne vers le style qui a le mieux fonctionné au cours de la dernière décennie, c’est clairement le style croissance qui a remporté la palme, devançant largement les titres de valeur. « Ce mouvement a été porté par la baisse continue des taux d’intérêt dont ont profité au maximum les valeurs de croissance, grâce à un taux d’actualisation très bas », explique notre interlocuteur. On rappellera que l’actualisation consiste à établir l’équivalent du versement retardé en un paiement immédiat. Par exemple, si les taux d’intérêt sont de 5% par an, la valeur actualisée d’un bénéfice par action de 100 francs versé dans un an se montera à 95.24 francs (= CHF 100/ (100% + 5%), et pour deux ans ce sera 90.70 francs (= CHF 100/ (100% + 5%) x (100% + 5%). On comprend que plus les promesses sont lointaines, plus leur valeur actualisée est basse. Ainsi, «avec l’amorce de la remontée des taux, l’attrait pour les titres de croissance s’est donc inversé, particulièrement pour ceux dont les perspectives bénéficiaires sont les plus éloignées».

Valeurs de qualité à privilégier?

Si les États-Unis et l’Europe sont en récession l’an prochain, comme le CIO en est convaincu, il faut se tourner vers le style qualité. C’est en effet celui qui a montré la meilleure performance pendant les trois dernières récessions qui se sont produites outre-Atlantique au cours de ces 25 dernières années, comme on le voit sur le graphique, où l’indice des actions américaines des titres de qualité a chaque fois largement battu l’indice général. Cette stratégie se révélera sans doute payante à condition que la prévision se concrétise. Mais l’environnement actuel paraît très favorable, estime le spécialiste, « pour se forger une conviction solide, en s’appuyant notamment sur une batterie d’indicateurs avancés comme les sondages auprès des directeurs d’achat, qui sont très pessimistes ».