Dans le paysage des produits de prévoyance, la rente viagère est souvent critiquée pour la faiblesse de son rendement. Ses détracteurs mettent en avant la nécessité d’atteindre un âge très avancé pour concurrencer les placements sur les marchés financiers. Interview de Pierre Zumwald, directeur général des Rentes Genevoises

Que pensez-vous de cette affirmation ?

Pierre Zumwald On peut rappeler qu’une rente viagère est un contrat entre deux personnes pour couvrir le risque de vivre très âgé et de disposer de revenus réguliers jusqu’à la fin de ses jours. Quand vous souscrivez une rente viagère, vous n’achetez pas un rendement mais la couverture d’un risque. Alors que si vous n’aviez compté que sur vos économies, vous auriez épuisé votre capital. La comparaison avec des produits bancaires n’a pas de sens car la rente viagère est un produit d’assurance, qu’il faudra honorer jusqu’au décès de l’assuré.

On dit souvent que les rentes viagères offrent une plus grande souplesse pour couvrir le risque de longévité que le 2e pilier. De quelle manière ?

Fondamentalement, les rentes viagères permettent d’avoir deux assurés dans le même contrat. Dans ce cas, on dit que les rentes sont sur deux têtes : l’un des assurés reçoit des rentes jusqu’à son décès, qui sont ensuite transmises au second assuré. Par ailleurs, vous pouvez aussi souscrire à une rente viagère avec restitution, c’est-à-dire que le solde des primes payées peut être remboursé aux héritiers. Ces possibilités vous permettent de définir à qui va bénéficier la rente ou du capital résiduel à votre décès, sous réserve de ne pas léser les parts réservataires des héritiers légaux.

Fiscalement, la rente viagère offre-t-elle des avantages ?

Dans le cadre de la prévoyance libre, il n’y a pas d’avantages fiscaux à la création du capital – à l’exception du canton de Genève pour un certain montant. En revanche, la rente ne sera imposée sur le revenu qu’à hauteur de 40 % de sa valeur.

Mais la rente viagère ne présente-t-elle pas d’inconvénient ?

Ce qu’on peut considérer comme un inconvénient, c’est financement du capital pour se constituer une rente viagère, soit par prime unique, soit par primes périodiques. Car, contrairement à l’AVS ou au 2e pilier, qui sont obligatoires pour les salariés, le 3e pilier lié ou libre est facultatif. Il faut donc effectuer un vrai choix et se dessaisir aujourd’hui d’un capital afin de financer des rentes viagères pour plus tard.

Quand faut-il acheter des rentes viagères ? Certains estiment qu’il faudrait retarder le plus tard possible, par exemple à 80 ans, l’achat de tels produits pour profiter des taux de conversion plus élevés qui seront alors offerts.

Il y a un double problème. D’une part, le taux d’intérêt technique, c’est-à-dire celui qui est garanti sur l’accumulation du capital pendant la durée de l’assurance, est aujourd’hui d’environ 1,4%, alors qu’il s’élevait à près de 4% en 2000. Et il pourrait encore baisser dans les prochaines années. Si vous avez 65 ans et que vous attendez vos 75 ans pour souscrire à des rentes viagères, à quel niveau sera le taux technique ? Peut-être à 1 % ou encore moins ! D’autre part, il faut considérer le montant que vous allez placer dans votre rente viagère. Quel montant sera alors disponible ? Votre placement n’aura peut-être pas dégagé les gains espérés et le capital le moment venu sera insuffisant. Vous ne pourrez donc plus investir dans une rente viagère et bénéficier de revenus réguliers jusqu’à votre décès.