Avec le naufrage de nos autorités face aux coups de butoir américains sur notre système juridique, on pouvait quelque peu désespérer des actions du Conseil fédéral et de sa capacité à anticiper les crises. C’est donc avec un certain soulagement que j’ai pu découvrir les lignes directrices de la réforme Prévoyance vieillesse 2020, présentées en conférence de presse vendredi dernier. Lignes qui confirment les orientées annoncées le 21 novembre 2012 et qui prennent la problématique de la prévoyance dans sa globalité – 1er et 2e pilier – et non plus à coups de mesures isolées, difficilement compréhensibles. Ce projet a le grand mérite de s’attaquer au tabou de la baisse du taux de conversion – trop élevé en regard de l’augmentation de l’espérance de vie et la dégradation du marché des placements –, mais en proposant des mesures pour que les prestations puissent être maintenues.

En deux mots, la réforme comprend les points principaux suivants : élévation de l’âge de la retraite pour les femmes, de 64 à 65 ans, tant pour l’AVS que dans le 2e pilier ; flexibilisation du départ en retraite anticipée pour les personnes à bas ou moyens revenus ayant cotisé à l’AVS à l’âge de 18, 19 ou 20 ans, sans réduction de rentes ou avec une diminution atténuée ; rente partielle possible pour les personnes qui réduisent leur temps de travail à partir de 62 ans ; baisse progressive du taux de conversion – le taux sur le capital accumulé qui définit la rente de vieillesse –, pour tomber de 6,8 % actuellement, à 6,0 % ; départ en retraite anticipée dans le 2e pilier relevé de 58 à 62 ans. Quant à l’AVS, elle bénéficierait du relèvement additionnel de deux points maximum du taux de TVA pour le maintien du niveau des rentes.

Ce programme paraît plutôt issu des rangs de la droite, notamment les deux mesures qui font l’objet des polémiques les plus vives : l’élévation de l’âge de la retraite des femmes et la réduction du taux de conversion. Pourtant, le chef du département de l’intérieur, responsable de ce dossier, n’est autre qu’Alain Berset, l’un des deux Conseillers fédéraux socialistes. Aurait-il trahi ses idéaux politiques ? Pas complètement… En effet, si on lit attentivement le rapport qui a été publié, on constate que de nombreuses mesures ont été prises pour aider à compenser les effets négatifs des changements envisagés. Car l’objectif principal affiché par le Conseil fédéral est de maintenir les prestations.

Mais comment faire, par exemple, avec un taux de conversion qui diminuerait 6,8 % à 6 % ? Concrètement, cela signifie qu’un capital vieillesse de 500’000 francs donnerait une rente de 34’000 francs par an au taux actuel (= CHF 500’000 x 6,8 %), contre seulement 30’000 francs au taux de 6 % (= CHF 500’000 x 6 %). Si on se livre à une règle de trois, on constate qu’il faudrait accumuler non pas 500’000 francs, mais 566’666.70 francs (= CHF 34’000 / 6 %) pour maintenir le montant de ces rentes, soit 66’666.70 francs de plus. Où les trouver ? Il n’y a pas de miracle, il faut augmenter les cotisations ! Mais pas n’importe comment. Le Conseil fédéral propose différentes pistes : 1) la diminution de la déduction de coordination, c’est-à-dire l’élargissement du salaire assuré, qui sert de base au calcul des cotisations ; 2) le relèvement des bonifications de vieillesse ; 3) l’avancement du processus d’épargne dans la LPP avant l’âge de 25 ans (actuellement, les affiliés de 18 à 25 ans ne cotisent que pour s’assurer contre le risque décès et invalidité).

Dans ce très bref aperçu, on doit reconnaître qu’il s’agit là d’un projet très ambitieux, qui aura sans doute de la peine à franchir toutes les étapes du processus législatif sans y laisser trop de plumes. On espère cependant qu’il en restera suffisamment pour maintenir un édifice de protection sociale qui mérite qu’on lui consacre l’énergie et le temps nécessaire à sa pérennité.