Après le groupe d’experts de la Confédération pour les prévisions conjoncturelles et UBS, c’est Swisslife qui livrait aujourd’hui ses prévisions économiques, tant pour la Suisse que pour les États-Unis, la zone euro et le Royaume-Uni pour cette année. Sans surprise, toutes ces institutions prévoient un net recul de l’activité économique dans notre pays. Mais pas avec la même ampleur : Swisslife s’attend en effet à une contraction de 3,1 % du PIB suisse, contre 6,7% pour le groupe d’experts de la Confédération et 4,6% pour UBS. Comment s’expliquent de telles différences ?

Prévisions hautement aléatoires

La réponse n’est pas difficile à trouver. On sait en effet que les prévisions conjoncturelles restent relativement fiables lorsque l’environnement économique et politique présente de la stabilité. Mais dès qu’un élément imprévu d’importance vient semer le chaos, les prévisions établies peuvent être complètement démenties, comme on le voit à chaque crise. Or celle que l’on traverse actuellement rend toute projection sur l’avenir hautement aléatoire en raison de son origine et des dégâts à large échelle qu’elle produit à travers toute la société, avec des effets en cascade et autres rebonds. Tout le monde comprend que la crise sera sans doute profonde, mais il est très difficile de savoir jusqu’à quel point.

Les experts conscients de leurs limites

Les spécialistes en sont d’ailleurs bien conscients, comme le précise le communiqué de presse du SECO présentant les prévisions du groupe d’experts de la Confédération : « L’économie pourrait se relever plus rapidement que ne l’envisagent les prévisions, si les consommateurs suisses devaient moins se laisser déstabiliser par le coronavirus, ou si la reprise devait se révéler plus vigoureuse à l’étranger. À l’inverse, la pandémie et les mesures de confinement qu’elle exige pourraient perdurer, ce qui freinerait fortement la relance. Sans parler des importants effets de second tour qui pourraient se produire et entraîner, par exemple, des vagues de licenciements et de faillites. Il faudrait alors s’attendre à d’autres répercussions économiques majeures sur l’ensemble de la période prévisionnelle. »

L’économiste manchot d’Harry Truman

Cette analyse est empreinte de bon sens et s’avère utile pour essayer de trouver des solutions pour sortir de la crise au plus vite et dans les meilleures conditions. Mais en même temps, que vaut une prévision si la probabilité d’un facteur majeur –­ la persistance de la pandémie – est inconnue, et que les réactions attendues des agents économiques le sont également. Cette succession d’hypothèses rappelle la citation attribuée au président américain Harry Truman qui réclamait un économiste manchot (il en aurait eu assez d’entendre les experts nuancer leurs prévisions et conseils par l’expression “on the other hand”). Plus sérieusement on peut s’interroger sur la publication de prévisions à la virgule près, alors qu’on sait pertinemment que les chiffres effectifs en seront plus ou moins éloignés (à moins d’avoir beaucoup de chances…).