Alors que de nombreux analystes s’interrogent sur les capacités du successeur de Steve Jobs de poursuivre l’œuvre de l’ex-patron emblématique d’Apple, disparu il y a un peu plus d’un an, divers ouvrages ont récemment été publiés sur ce personnage hors du commun. J’avais déjà lu deux ou trois bouquins sur l’aventure de la marque, dont celui de John Sculley – oui, l’homme qui avait viré Jobs – où il expliquait comment le co-créateur d’Apple avait fini par en devenir un élément nuisible. Avant qu’il ne fasse son grand retour et sauve la boîte pour en faire ce qu’elle est devenue aujourd’hui.
Toutefois, malgré mon admiration devant les produits – j’ai presque toujours utilisé des Macs -, je suis également conscient de l’effet de halo, présenté de manière lumineuse (si j’ose dire) par Phil Rosenzweig, professeur à l’IMD à Lausanne, dans son essai « The halo effect », publié en 2008. En deux mots, il s’agit de ce phénomène qui nous amène établir un lien étroit, dans le monde des affaires, entre les bons résultats d’une entreprise et les qualités supposées de ses dirigeants. Ce qui explique qu’un patron passe du statut de génie, quand les bénéfices grimpent, à celui d’imbécile, lorsque la roue tourne. Les amateurs de magazines économiques et d’ouvrages sur les success stories comprendront sans mal ce que je veux dire. Il en fait très difficile de savoir ce qui fait qu’une entreprise parvienne au sommet, et s’y maintienne un certain temps. En d’autres termes, il n’existe pas de recettes de cuisine pour atteindre le succès.
Tout cela pour dire ma réticence devant le bouquin de Carmine Gallone, « Les secrets d’innovation de Steve Jobs », paru l’an dernier chez Pearson, que j’ai commencé à aborder presque à reculons. En fait, j’ai fini par le lire jusqu’au bout, en retrouvant le récit quasi légendaire de la vie de ce patron d’exception, avec un réel plaisir. Non seulement parce que c’est bien écrit (et bien traduit), mais parce qu’il est également très instructif. On y comprend la démarche intellectuelle du bonhomme, bien au-delà du simple « Think different » et autre talent de calligraphe. C’est d’autant plus éclairant (peut-être est-ce l’effet de halo…) que ces principes ont été appliqués  – et avec quel succès -, mais que l’on peut réellement en tirer un enseignement plus général.
Par exemple, lorsqu’on cherche à créer des produits nouveaux. Mais, écoutons plutôt le maître : « Il ne s’agit pas de culture pop, ni de berner les gens, ni de les persuader qu’ils veulent un produit dont ils n’ont rien à faire. Nous nous demandons ce que nous voulons. Et je pense que nous nous débrouillons plutôt bien pour savoir si beaucoup de gens voudront la même chose que nous. C’est pour ça que les clients nous payent. Nous n’allons tout de même pas leur demander quel sera le nouveau produit qui fera fureur ! Henry Ford l’a dit avant moi : « Si j’avais demandé à mes clients ce qu’ils voulaient, ils m’auraient réclamé un cheval plus rapide ». » Plus précisément, explique Carmine Gallone, « selon Steve Jobs, il est difficile de concevoir un produit sur les souhaits qui ressortent des réunions de consommateurs, car ces derniers ne savent pas ce qu’ils veulent avant que vous le leur montriez. »
Ce simple principe s’inscrit dans une démarche complexe, comme le décrit l’auteur de cet ouvrage, que l’on ne peut résumer en quelques lignes (heureusement, sinon pourquoi y consacrer plus de 250 pages…). On peut également mentionner la recherche quasi-obsessionnelle pour la facilité d’utilisation des produits et de leur esthétique qui caractérisait l’approche de Steve Jobs, qui a dit  : « La simplicité est summum de la sophistication ». Ce dernier ajoutait toutefois, comme le rapporte l’auteur, « qu’elle ne se limite pas à ôter du superflu, loin de là ». Pour y parvenir, le patron charismatique d’Apple précisait « qu’elle consiste à atteindre l’essence même du produit ». À méditer.