À quelques semaines de la grande votation à Genève sur la fusion des caisses de pensions publiques CIA (enseignement et administration centrale) et CEH (santé), Avenir suisse sort une étude* pour « régénérer » la prévoyance professionnelle, qui a été présentée jeudi à Genève, avec un débat en compagnie d’un des auteurs, Jérôme Cosandey.
De manière astucieuse, Avenir Suisse a fait figurer sur le dos de la couverture la carte de la Suisse selon le découpage cantonal, en mettant en évidence le taux de couverture des caisses de pensions cantonales (au 31.12.11). Il en ressort que si l’on part depuis l’Est du pays, on constate que le taux de couverture s’abaisse de plus en plus. Les pires cantons étant le Jura, Neuchâtel et Genève. Le message est clair.
Après cette mise en bouche, la brochure elle-même est moins digeste à assimiler. En deux mots, elle prône une libéralisation de notre système, selon trois axes : 1) il faut plus de personnalisation, et permettre ainsi aux assurés de pouvoir définir leur stratégie de placement dans le régime surobligatoire et, à moyen terme, choisir eux-mêmes leurs caisses de pensions; 2) le financement doit être durable. C’est ainsi que la définition du taux de conversion doit être dépolitisée et déléguée aux conseils de fondations des institutions de prévoyance; 3) enfin, les règles du jeu doivent être égales pour tous les prestataires du 2e pilier public ou privés.
Ces arguments n’ont en fait rien de nouveau. Mais ils ont au moins le mérite de relancer le débat parmi les spécialistes. Par exemple, l’idée de choisir sa caisse de pensions indépendamment de celle de son employeur est une vieille lune, qui comptent de nombreux adversaires, même du côté patronal, comme s’en est fait l’écho Olivier Sandoz, directeur général adjoint de la Fédération des Entreprises Romandes, car « cela risque de mettre en péril le lien entre l’employeur et le 2e pilier ». Or il s’agit d’un partenariat social l’entre l’employeur et son personnel.
En revanche, la thèse de dépolitiser le taux de conversion fait sans doute son chemin. Il s’agit d’éviter que les actifs ne financent les retraités, ce qui est évidemment contraire au système par capitalisation. Cette personnalisation est d’autant plus justifiée que les caisses de pensions ont des structures d’âge élevées. En d’autres termes, des institutions de prévoyance qui comptent un pourcentage important de retraités devrait avoir un taux de conversion relativement bas. Si l’on en croit les experts d’Avenir Suisse, ces rentes trop élevées conduiraient à des effets de redistribution compris entre 600 millions et 1’500 millions de francs par année.
« Enfin, affirment nos auteurs, il faudrait instaurer une autorité de surveillance unique qui définirait les mêmes règles de jeu pour tous les participants au marché. Mais, Il faudrait en outre abolir le traitement spécial dont bénéficient les caisses de pensions de droit public, en particulier s’agissant de la capitalisation partielle. » Connaissant un peu les défenseurs du statut public, on peut s’attendre à de belles empoignades verbales lors des prochains débats…
* « Une cure de jouvence pour le 2e pilier »
Par Jérôme Cosandey et Alois Bischofberger
Editions du Tricorne, 2013