À fin novembre de l’année dernière, le Conseil fédéral annonçait l’adoption du message relatif à la grande réforme de notre système de prévoyance pour le soumettre au parlement, après la phase de consultation. Reprenant les chiffres du projet présenté en 2013, le taux de conversion devrait ainsi passer progressivement 6,8 % à 6,0 %, sur une période de 4 ans, à raison d’une réduction de 0,2 point par année. En d’autres termes, un avoir de vieillesse de 100’000 francs est aujourd’hui converti en une rente de 6’800 francs. Avec un taux de 6 %, ce même capital ne fournirait plus qu’une rente de vieillesse de 6’000 francs. Or le Conseil fédéral ne veut pas de diminution des prestations. Il n’y a nul besoin d’être grand clerc pour comprendre qu’il faut trouver un moyen pour augmenter le capital accumulé à la retraite. Une simple règle de trois permet de savoir de combien ce capital devrait s’accroître pour donner la même rente : il faudrait que ce capital soit porté à 113’333 francs (= 6,8 % / 6 % x CHF 100’000).
Suppression de la déduction de coordination
Pour accroître cette accumulation de capital, le Conseil fédéral propose notamment de supprimer purement et simplement la déduction de coordination. On rappellera Il s’agit du montant du salaire annuel qui n’est pas assuré dans le cadre du 2e pilier et qui correspond au 7/8 de la rente annuelle AVS simple maximale (24’675 francs en 2015). Cela paraît un peu compliqué ? Le jargon utilisé n’arrange pas les choses. Mais ce qu’il faut retenir c’est que cette déduction de coordination vise à tenir compte de la part du salaire jusqu’à ce montant qui est déjà largement assuré par l’AVS. Il s’agit donc d’éviter une sorte double assurance pour cette part du revenu.
La suppression de la déduction de coordination implique-t-elle alors un changement de philosophie ? Non, estime le Conseil fédéral, car il existe un seuil d’accès LPP, c’est-à-dire qu’on ne peut être affilié au 2e pilier obligatoire en deçà d’un certain revenu, aujourd’hui fixé à environ 21’000 francs. Dans le cadre de la réforme, il va être abaissé à environ 14’000 francs.
Jusque-là, ce n’est sans doute pas trop difficile à comprendre. Mais il est probable que le lecteur peu familiarisé avec les arcanes de notre système de prévoyance soit rapidement perdu dans l’exposé de cette réforme de grande ampleur. Pour en saisir la portée, il faut pouvoir bénéficier au préalable d’une vision générale de notre système de protection sociale. Deux ouvrages récents de la maison d’édition spécialisée Schulthess Éditions romandes, peuvent grandement aider ceux qui sont prêts à consacrer un peu (voire beaucoup…) de leur temps à cette thématique.
La prévoyance professionnelle rendue compréhensible
Le premier livre, publié en 2013 et intitulé « La prévoyance professionnelle : principes et fondements* », a été écrit par Francine Oberson, spécialiste dans ce domaine. Très clair – il n’est pas nécessaire d’avoir une formation juridique pour en comprendre les explications – ce livre, d’un peu plus de 200 pages comporte cinq parties : la première traite des prescriptions minimales contenues dans la LPP ; la deuxième décrit les caisses de pensions qui offre une prévoyance surobligatoire ; la troisième présente les deux principaux sujets introduits en 1995, soit l’encouragement à la propriété du logement et le divorce. La quatrième partie parle de l’organisation de l’institution de prévoyance et des aspects juridiques et comptables. Enfin, la cinquième partie aborde la prévoyance la prévoyance professionnelle sous l’angle de la fiscalité.
Le professeur Jacques-André Schneider de l’Université de Lausanne, écrit dans sa préface : « L’ouvrage de Madame Oberson consacré à la pratique du droit dans le domaine de la prévoyance professionnelle, remplit avantageusement une lacune. Il n’y a en effet aucun ouvrage pratique et didactique en français, accompagné d’explications complémentaires et d’exemples compréhensibles, dans le domaine de la prévoyance professionnelle. ». Je partage cette appréciation. Toutefois, il faut préciser que ce livre s’adresse tout d’abord à des professionnels, comme l’indique l’éditeur sur la 4e page de couverture : « Il est destiné aux personnes qui travaillent dans le domaine des ressources humaines, des assurances sociales, aux membres de l’organe paritaire d’une caisse de pensions, aux réviseurs, aux juristes, aux gestionnaires d’institutions de prévoyance, mais également aux personnes qui suivent une formation dans les domaines juridique, comptable ou dans celui des assurances. »
Vue d’ensemble de la sécurité sociale
Mais la réforme Berset ne concerne pas seulement le 2e pilier. Dans cette perspective, l’excellent ouvrage « Histoire et structure des assurances sociales en Suisse** » de Philippe Gnaegi, l’ancien conseiller d’État neuchâtelois et spécialiste des assurances sociales, contribue à y voir plus clair. Écrit avec la collaboration de Pierre-Yves Carnal et de Nicolas Bovey, ce livre de près de 300 pages, publié en 2012, est découpé en trois parties distinctes : la plus importante est consacrée à l’historique des assurances sociales, la deuxième présente les éléments essentiels de leur structure et de leur financement. Enfin, la troisième partie traite de l’aide sociale.
Cette publication est d’autant plus intéressante qu’elle est très accessible au grand public et d’une lecture agréable. L’auteur ne se laisse pas enfermer dans un juridisme étroit, mais adopte une démarche interdisciplinaire des assurances sociales en mettant l’accent sur les notions économiques, historiques, sociales et politiques. Il montre ainsi que le développement de la sécurité sociale et son financement sont étroitement liés à l’évolution de l’environnement économique.
Distinction entre assurances sociales et aide sociale
La deuxième partie de ce livre s’avère également extrêmement utile en proposant une vue très synthétique de l’organisation de nos assurances sociales, le tout en une cinquantaine de pages. Par exemple, en exposant les facteurs explicatifs au manque de coordination et d’harmonisation dans ce type d’assurances. Enfin, l’auteur aborde un sujet assez rarement traité dans les médias – le public cible n’étant pas a priori le plus intéressant pour les annonceurs… –, à savoir celui de l’aide sociale, qui constitue le sous-titre de l’ouvrage : « Avec une introduction à l’aide sociale ».
Cette présentation permet de mieux cerner sa spécificité dans la sécurité sociale : « Les assurances sociales couvrent les risques et éventualités prévus par la loi alors que l’aide sociale comble un besoin concret, qu’elle qu’en soit ses causes. L’aide sociale intervient surtout à titre subsidiaire, pour garantir le minimum vital. Dans ce sens, l’aide sociale représente le dernier filet de protection sociale, soit l’ultime mode de protection que l’on sollicite en cas de besoin. L’aide sociale intervient toujours en dernier ou après les assurances sociales, lorsqu’elles ne couvrent pas ou insuffisamment les risques ou problématiques en question. ». Cette partie de l’ouvrage comble donc également une vraie lacune en matière d’information, d’autant plus que « l’aide sociale matérielle et personnelle relève encore et toujours des cantons », chacun d’entre eux ayant sa propre loi en la matière.
*La prévoyance professionnelle : principes et fondements, par Francine Oberson, Collection La pratique du droit, Schulthess – Editions romandes, 2013
**Histoire et structure des assurances sociales en Suisse – Avec une introduction à l’aide sociale, 3e édition, revue et augmentée, Par Philippe Gnaegi avec la collaboration de Pierre-Yves Carnal et de Nicolas Bovey, Collection La pratique du droit, Schulthess – Editions romandes, 2012