Le Revenu de Base Inconditionnel (RBI) a donc été largement balayé. Ses partisans annoncent pourtant que ce n’est que le début, et comme toute idée « progressiste », il faudra revenir à la charge pour que cette utopie – selon leurs propres termes – finisse par s’imposer, puisqu’elle constituerait LA solution à la disparition progressive de nombre d’emplois sous l’effet de l’automatisation qui va mécaniquement faire augmenter le chômage. Sinon, il faudrait de toute façon trouver un moyen de subsistance pour toutes les personnes qui seraient autrement condamnées au chômage de longue durée pour finalement tomber à l’assistance sociale.
Une thèse discutable
On peut évidemment se poser la question de savoir si cette thèse va vraiment s’avérer. Car les défis à relever ne manquent pas, que ce soit par exemple dans le domaine environnemental, de la recherche médicale ou des soins aux personnes âgées. Finalement, il paraît bien difficile d’évaluer combien d’emplois remplaceront ceux qui seront sacrifiés sur l’autel de la technologie, sans compter la réorganisation du travail, tant par le développement du temps partiel que par la réduction des horaires.
En revanche, on peut juger déraisonnable de proposer un tel chambardement à l’échelle d’un pays et tout son système de protection sociale, en le soumettant au jugement du peuple. Sans aucune expérimentation et avec des montants très élevés. Mais les promoteurs de l’initiative ne prenaient guère de risque puisqu’ils savaient très bien qu’elle ne serait pas acceptée. C’était donc une manière, comme ils le reconnaissaient volontiers cet après-midi, de faire connaître le concept, à leur grande satisfaction. Dans ce cadre, l’opération est pleinement réussie et constitue un véritable coup médiatique.
La Suisse n’est pas la meilleure cible
La Suisse n’apparaît d’ailleurs pas comme le terreau le plus fertile pour une telle proposition, puisque son taux de chômage est l’un des plus bas des pays développés. Le problème, c’est plutôt la pénurie de main-d’œuvre, compensée par une très forte immigration étrangère (qui sera cependant freinée si aucun vote ne vient renverser la décision populaire du 9 février 2014 sur l’immigration de masse). Et cela ne va pas s’arranger, puisque notre pays doit faire face aux effets du vieillissement démographique, qui pèse de plus en plus lourd sur notre sécurité sociale. En d’autres termes, on va manquer d’assurés actifs auprès de l’AVS notamment, dont les cotisations constituent les rentes des retraités, puisqu’il s’agit d’un système en répartition. Dans cette perspective, l’économie a besoin de nouveaux contributeurs à la richesse nationale et non pas de nouveaux assistés. C’est d’ailleurs l’un des grands arguments qui a été mis en avant par l’Allemagne pour accueillir de nombreux réfugiés (avant de revenir quelque peu en arrière…), de manière à combler le vieillissement démographique dont ce pays souffre.
Un système de protection à améliorer
Cela dit, notre système de protection sociale est loin d’être parfait et peut être repensé et refondu. Mais avant de jeter le bébé et l’eau du bain, pour le dire un peu familièrement, on peut faire preuve d’un peu de circonspection. On pourrait peut-être déjà commencer par combler certaines de ses lacunes les plus criantes, en introduisant une assurance perte de gain en cas de maladie pour les salariés, sur une base comparable aux prestations de l’assurance accident. De même, on pourrait songer à trouver une solution pour les indépendants qui n’ont aucune protection en cas de chômage s’ils ne se sont pas constitués en Sàrl ou SA. Il faudrait aussi faciliter l’accès à leur financement – on pense notamment aux caisses de pensions pour les start-up –, en reconnaissant aux jeunes entrepreneurs le droit à l’échec, en leur donnant ainsi la possibilité de rebondir. C’est d’autant plus important que ce sont eux qui créeront les emplois dont l’économie aura besoin à l’avenir.