Naguère réservé aux investisseurs institutionnels, le marché des actions non cotées devient plus accessible pour les investisseurs individuels qui disposent d’un solide patrimoine, en raison d’un ticket d’entrée encore élevé.

Catégories de private equity

On peut répertorier quatre grands types de private equity, décrit Lars Kalbreier, CIO de la banque Edmond de Rothschild qui reflète le cycle de vie d’une entreprise : « La première catégorie d’investissement, c’est le capital risque – venture capital en anglais –, pour des jeunes entreprises qui en sont à un stade très précoce, qui ne dégage encore aucun chiffre d’affaires. Le deuxième type, c’est le capital croissance – capital growth –, qui consiste en l’investissement dans des sociétés qui existent déjà et qui génèrent plus ou moins de cash-flows. Les investisseurs accompagnent ces entreprises dans leur croissance. L’idée étant de les revendre à terme à d’autres investisseurs, qui peuvent être des fonds de private equity, des acteurs industriels ou de les faire coter en Bourse. »

« La troisième catégorie, c’est le capital transmission, qui peut se faire par l’acquisition d’entreprises avec du financement par la dette, soit en anglais par du LBO (leveraged buyout). Il s’agit de changer leur gouvernance, en transférant leur propriété, pour les accompagner différemment. Enfin, la quatrième catégorie, ce sont des entreprises en détresse – distressed –, c’est-à-dire en difficulté, qui peuvent être cotées ou non : on les rachète pour les restructurer, et éventuellement les remettre sur les marchés publics. »

Les fonds de capital transmission favorisés en période de crise
Mesurés par millésime, c’est-à-dire à partir de l’année de leur lancement, les fonds de capital transmission américains et européens affichent un taux de rendement interne médian particulièrement élevé en période de récession.

Source : Cambridge Associates US / Europe Buyout index, à date de septembre 2022

Fonds à durée de vie limitée

En général, ce type d’investissement est effectué via un fonds fermé qui se présente sous la forme de société en commandite. Le commandité est le gestionnaire du fonds, tandis que les investisseurs qui fournissent les capitaux sont les commanditaires. Ces derniers doivent s’engager à fournir ces capitaux sur demande. Ce n’est qu’ensuite que le gestionnaire du fonds part en quête d’investissements, sur trois ou quatre ans, en faisant progressivement appel à eux. Ces investissements ne commencent à dégager du revenu qu’à partir de la 4e ou 5e année, pour être revendus au fur et à mesure, permettant le remboursement, avec bénéfice (si possible !) des capitaux investis.

Mais l’investissement en vaut la chandelle, comme l’affirme notre interlocuteur : « La recherche académique montre que le marché du private equity dégage une rentabilité supérieure de 3 à 4% à celle des marchés publics. » Étant donné les caractéristiques des fonds de private equity, le calcul de leur rendement s’avère un peu différent de celui des fonds ouverts : « On considère ainsi les millésimes, c’est-à-dire l’année de création du fonds jusqu’au remboursement des actifs, dont on calcule le taux de rendement interne », comme on l’a fait sur le graphique ci-contre.

Ticket d’entrée très élevé

Si l’on est convaincu par ces résultats, reste la question de savoir comment investir. En effet, le ticket d’entrée est très élevé pour les fonds de private equity puisqu’il oscille entre 5 et 20 millions de francs ! « Mais ces stratégies deviennent plus accessibles aux investisseurs individuels, grâce à l’assouplissement de la réglementation. Il existe ainsi des alternatives comme les fonds de fonds, c’est-à-dire des fonds qui investissent dans différents fonds de private equity, pour des montants minimums nettement moins importants, à hauteur de 125’000 francs. Mais ces sommes seront également bloquées jusqu’au remboursement effectué par le fonds. Quant aux frais, ils sont du même ordre que pour les fonds sous-jacents, c’est-à-dire 2% de commission de gestion et 20% sur la performance. »

 « Parallèlement aux fonds de fonds, une nouvelle offre s’est développée au cours de ces dernières années et a pris une grande importance sous la forme de fonds dits nourriciers, qui investissent dans un seul fonds de private equity, contrairement aux classiques fonds de fonds. Avec les mêmes contraintes de liquidité et les mêmes types de frais appliqués. »

Stratégie individuelle

Pour l’investisseur individuel qui dispose d’une bonne surface financière et qui voudrait investir dans le private equity via un fonds de fonds, cette option permet une plus grande diversification, ajoute notre interlocuteur : « Vous avez accès à un éventail de possibilités qui est beaucoup plus large que dans les marchés des actions cotées. L’introduction d’une petite part de private equity dans son portefeuille va ainsi faire baisser sa volatilité. »

La période paraît particulièrement propice au private equity si l’on se réfère à nouveau au graphique ci-contre : En effet, il en ressort que les fonds qui ont démarré leur activité durant les récessions ont dégagé les taux de rendement internes les plus élevés. Faut-il pour autant privilégier la période troublée actuelle pour augmenter son allocation dans le private equity ?  «Ce n’est pas notre message, répond le banquier, qui conseille au contraire d’y investir de manière régulière afin de ne pas rater un millésime. Une stratégie de market timing irait donc à l’envers du bon sens. A cet égard, paradoxalement, l’impossibilité pour l’investisseur individuel de récupérer son argent avant le remboursement peut constituer un avantage pour lui éviter d’être tenté par de néfastes allers-retours à court terme. »