Après avoir perdu leur raison d’être dans les portefeuilles, les obligations d’État bénéficient à nouveau de taux d’intérêt positifs.

Comment fonctionne le marché obligataire?

Pour comprendre pourquoi les obligations d’État paraissent à nouveau intéressantes, il faut s’arrêter un instant sur la mécanique obligataire. Fondamentalement, le marché des obligations réagit de manière inverse à l’évolution des taux d’intérêt: quand ces derniers montent, le marché obligataire baisse et inversement, lorsque les taux d’intérêt augmentent, les obligations reculent. C’est ce dernier cas de figure auquel on a pu assister l’an dernier, avec la forte montée des taux d’intérêt entraînée par le retour d’une flambée de l’inflation.

À titre d’exemple, on a fait figurer sur le graphique ci-contre l’évolution du taux de l’emprunt de la Confédération à dix ans, qui est enfin revenu en territoire positif, à un niveau supérieur à 1,5% à fin décembre 2022, après environ sept ans de taux nuls ou même négatifs. Ce retour «à la normale» permet aux investisseurs de retourner sur ce marché, avec un risque de taux bien moindre, c’est-à-dire de subir les effets négatifs de la montée des taux d’intérêt puisqu’une partie du chemin a déjà été parcourue. Malheureusement, sur ce même graphique, on constate que la remontée de l’inflation, à presque 3%, se traduit donc par un taux d’intérêt réel négatif d’un peu plus de 1%!

Rendement nominal positif, mais rendement réel négatif
La remontée des taux d’intérêt en franc suisse s’est matérialisée l’année dernière, comme on le voit sur les obligations de la Confédération à 10 ans, dont le rendement a dépassé les 1,5% en décembre 2022. Avec une inflation à moins de 3%, le taux d’intérêt réel serait donc d’environ -1%.

Source : Retraites Populaires / MacroBonds, BNS

Convergence des taux d’intérêt nominaux et de l’inflation

Malgré ces intérêts réels négatifs, Alexander von Allmen, responsable de la gestion de portefeuilles auprès de Retraites Populaires, estime le moment venu de revenir sur les obligations d’État: «Nous pensons que l’inflation, bien qu’elle puisse continuer à monter, n’est pas trop loin de son pic, même si elle peut rester plus élevée que ce qu’on a connu au cours de ces dernières années. Dans cette perspective, nous nous attendons dans les prochains mois, voire au cours de ces prochaines années, à une convergence des taux d’intérêt nominaux et de l’inflation, donnant lieu à des taux réels, au minimum neutres ou peut-être légèrement positifs.

Par ailleurs, ces taux d’intérêt positifs nominaux permettent à nouveau de bénéficier des propriétés de décorrélation qui sont historiquement assez importantes entre les actions et les obligations. Ainsi, en règle générale, quand il y a une crise économique, les actions perdent de leur valeur, tandis que les taux d’intérêt sont réduits pour relancer l’activité, ce qui a pour conséquence de faire monter la valeur des obligations.»

Risque de taux et de crédit

Mais le principe de la diversification doit également s’appliquer à l’intérieur de la part obligataire des portefeuilles. Pour distinguer les obligations, le spécialiste considère leur exposition à différents types de risque, soit, d’une part, le risque de taux ou de duration, – la duration est la mesure de la sensibilité aux variations de taux et qui dépend du coupon et de l’éloignement de l’échéance –, et d’autre part, le risque de crédit, lié à la solvabilité de l’émetteur.

«Ainsi, pour investir en obligations, vous pouvez sélectionner des titres à risque de taux, comme les obligations d’État, considérées comme sûres, et donc sans risque de crédit, ou alors acquérir des obligations d’entreprises, à haut rendement ou sur les marchés émergents, où vous avez surtout un risque de crédit, et dans une moindre mesure un risque de taux. Il faut toutefois noter que certaines obligations d’État comportent également unrisque de défaut et , à l’inverse des obligations d’entreprises d’excellente qualit peuvent avoir un risque taux prépondérant, si elles ont une échéance longue. Le principe est de prendre une combinaison de ces deux catégories d’obligations.»

Diversification par échéance et choix de la devise

Dans le cadre d’une stratégie efficace pour son portefeuille obligataire, notre interlocuteur met également en avant la diversification par échéance, permettant ainsi de lisser sa performance: «C’est une stratégie qui est d’autant plus appropriée actuellement si vous avez une duration assez longue, c’est-à-dire essentiellement une échéance éloignée. L’impact d’une forte hausse des taux d’intérêt entraînera une perte conséquente sur leportefeuille obligataire dans le court terme. Mais, au fur et à mesure du renouvellement des différentes échéances du portefeuille obligataire, les sommes réinvesties bénéficieront de taux nettement plus élevés permettant non seulement de couvrir la perte initiale, mais au bout du compte de dégager une performance bien meilleure.»

Enfin, on peut se demander dans quelles devises investir en obligations. Pour notre expert, il faut privilégier le franc suisse: «Actuellement, les coûts de couverture du risque de change sont très élevés et vous courez ainsi le risque de dégager un rendement inférieur à ce que vous pouvez obtenir en restant en franc suisse.»