La sélection intelligente d’un produit de gestion collective de capitaux constitue un exercice complexe, mais pas impossible pour ceux qui sont prêts à y consacrer un peu de leur temps

Tout investisseur en fonds de placement qui s’intéresse un tant soit peu à ses placements est familier avec les principaux sites spécialisés, comme celui de Morningstar, où il pourra trouver les principaux produits disponibles sur le marché. Les moteurs de recherche permettront d’établir immédiatement des classements selon divers critères, dont la performance et la volatilité, sur différentes périodes, ou encore en fonction des frais.

Cette facilité d’utilisation ainsi que leur libre accès à ces bases de données constituent malheureusement une arme à double tranchant. Elles peuvent en effet orienter leurs utilisateurs vers des solutions simplistes, en les incitant à n’acheter que ce qui vient de monter, et de sauter l’étape visant à établir leurs besoins en tant qu’investisseurs, leur aptitude à supporter un montant de pertes plus ou moins important, et au bout du compte, de savoir dans quelle classe d’actifs ils veulent investir.

Nomenclature de l’Efama

A cet égard, l’initiative de l’Efama (European Fund and Asset Management Association, www.efama.org) présentée en 2012, dont fait d’ailleurs partie la Sfama (Swiss Fund and Asset Management Association), aide les investisseurs en établissant des critères de sélection tant pour les fonds en actions que pour les fonds en obligations. Ainsi, l’Association européenne retient trois critères de différentiation pour les produits en actions, soit l’exposition géographique, le secteur et la capitalisation boursière, tandis que les fonds obligataires sont distingués selon la qualité de crédit, les taux d’intérêt (courts ou longs) et la devise dans laquelle les obligations sont libellées.

Cette nomenclature ne donnera évidemment pas les clés pour savoir dans quoi investir. Il faut aller plus loin pour essayer de comprendre comment chacune de ces classes d’actifs, et de ses sous-classes, va réagir selon l’évolution de l’environnement économique et financier. Comme le dit Katia Coudray, responsable de la sélection de fonds auprès de la banque Syz à Genève: «On ne peut pas faire de la sélection de fonds sans être impliqués sur les marchés financiers. Il faut ­comprendre les vecteurs de la performance historique et se poser la question de savoir s’ils sont toujours en place.»

Avec ce type de principe en tête, on peut recourir de manière plus efficace aux bases de données, à commencer par Morningstar, qui propose non seulement des analyses quantitatives, mais également qualitatives. Pour l’investisseur suisse romand, peu à l’aise avec la langue de Goethe, les choses commencent mal, explique pour sa part Laurent Auchlin, responsable de l’architecture ouverte de Lombard Odier: «Pour la Suisse, le site (www.morningstar.ch) n’est disponible qu’en allemand. L’investisseur trouvera une version dans sa langue en allant sur le site pour la France (www.morningstar.fr), mais avec les fonds disponibles uniquement sur le marché français.»

Par ailleurs, poursuit notre interlocuteur, ce type d’information est biaisé, car il s’agit de sites commerciaux: «La publication de l’analyse qualitative est décidée en dernier ressort par le promoteur du fonds. On aura donc tendance à retrouver des évaluations allant de neutre à positif. Il est également important d’avoir conscience que les listes de fonds ne sont pas pleinement exhaustives: les fonds des plus petites boutiques sont complètement absents.»

En revanche, Morningstar a nettement amélioré son offre depuis quelques années en matière de granularité, explique encore Laurent Auchlin, c’est-à-dire dans la création de sous-catégories très fines qui permet de comparer un fonds particulier à un indice de référence qui lui correspond. Granularité qu’on ne retrouve par exemple pas sur le site de Swiss Fund Data, dont la nomenclature reste basée uniquement sur les grandes classes d’actifs.

Adopter une démarche professionnelle

Et la notation sous forme d’étoiles fournies par Morningstar? Elles sont jugées généralement comme de peu d’utilité par les professionnels, puisqu’elles sont basées uniquement sur des données quantitatives et ne permettent donc pas d’identifier d’où vient la performance. «Mais, explique l’analyste de Lombard Odier, il existe des critères relativement simples pour établir son origine, comme l’exposition sectorielle ou géographique. Si c’est un fonds qui est investi majoritairement sur un secteur qui a le vent poupe, il va bien performer. Il faut ainsi examiner s’il a un biais permanent ou si l’exposition à ce secteur est due au talent du gérant, qui n’y était pas du tout investi naguère. L’investisseur individuel qui recourt à des sites comme Morningstar devra donc se constituer un petit dossier pour déterminer ses préférences, en adoptant en quelque sorte une démarche de professionnel: je commence à suivre les cibles potentielles sur plusieurs mois, voire plusieurs trimestres pour me créer une conviction, avant d’investir.»

Enfin, on ne peut pas terminer un article sur la sélection de fonds sans parler des frais, et du TER (Total Expense Ratio) en particulier, qui est censé englober tous les frais indirects prélevés sur la base du dernier exercice. Ne faudrait-il pas privilégier les fonds à TER bas? «Non, pas forcément, répond Laurent Auchlin, même si on y est attentif. La question est de savoir si le fonds prélève des commissions de performance, qui vont automatiquement se réduire s’il se comporte mal. En revanche, les frais de transactions, qui n’entrent pas dans le calcul du TER, seront perçus quelle que soit la performance.»