Comme dans tous les domaines, les humains usent de raccourcis sur les marchés financiers qui accélèrent les prises de décision. Souvent efficaces, ces processus sont également source de graves erreurs de jugement. Si l’on ne peut complètement s’en prémunir, il est au moins nécessaire d’en connaître les principaux mécanismes pour en limiter les effets néfastes.

Pour établir la liste de ces raccourcis mentaux, on commencera par l’heuristique de disponibilité. Sous ce terme quelque peu barbare, issu de la psychologie sociale, se cache un phénomène bien connu : nous jugeons la probabilité des événements d’après les exemples disponibles dans notre mémoire. Si nous en trouvons facilement, nous en déduisons qu’ils sont fréquents.

Sur les marchés financiers, ce biais mental se traduit par la décision d’investir sur un titre uniquement sur une impression. Par exemple, sur la base du tuyau du beau-frère – qui n’y connaît rien (en général) – ou encore sur la qualité d’un des produits de la société dont on veut acquérir l’action.

La réaction excessive aux dernières nouvelles

Un autre phénomène observé depuis longtemps, et qui peut être rattaché à l’heuristique de disponibilité, est la réaction excessive aux dernières nouvelles. Par exemple, lorsqu’une société, bien portante par ailleurs, est responsable d’un grave accident industriel, son cours va immédiatement chuter. Souvent bien au-delà des conséquences financières de l’événement, même s’il apparaît qu’elles ne seront que marginales en regard de la taille de l’entreprise. Mais l’intensité du récit et la puissance des images dramatiques diffusées auront beaucoup plus d’effets que l’estimation chiffrée des coûts de l’accident.

La corrélation illusoire

Un autre biais dont sont victimes les investisseurs est la corrélation illusoire. Ce phénomène consiste à établir des relations de cause à effet entre des événements en réalité aléatoires, comme de nombreux mouvements de marchés. Même des professionnels avertis savent qu’il est facile de succomber à cette illusion en cas de séries de succès, donnant l’impression à son bénéficiaire qu’il est devenu un génie de la finance. Mais si l’on considère la chance ou, plus scientifiquement, les lois de la probabilité, les taux exceptionnels de réussite sont souvent beaucoup moins extraordinaires qu’ils n’y paraissent à première vue. Ces corrélations illusoires, lorsque l’investisseur tire profit d’une longue série gagnante, nous conduisent naturellement au prochain biais : la confiance excessive.

La confiance excessive

La grande majorité d’entre nous pense qu’il est supérieur à la moyenne dans de nombreux domaines, notamment en Bourse en période d’euphorie. Manifestement, une partie de la population fait preuve d’une confiance exagérée en ses propres capacités… Ce sentiment est évidemment renforcé par le succès. Plutôt que de l’attribuer, au moins pour partie, à la chance, l’investisseur préfère imaginer qu’il est devenu un nouveau George Soros, le financier légendaire, au flair (presque) infaillible.

Même pour ceux qui ont subi certaines déconvenues, la confiance peut subsister à cause du phénomène baptisé « je-le-savais ». Une fois les faits connus, les résultats semblent parfaitement prévisibles, comme les krachs boursiers. Pour se convaincre du contraire, il suffit d’observer le comportement des opérateurs qui, dans leur grande majorité, ne voient rien venir avant la survenue des catastrophes.

Les six questions à prendre en compte avant d’investir en Bourse (1ère partie)

Les biais comportementaux : Est-ce que je connais ma propension à me laisser abuser par les apparences et par mes émotions ?

Heuristique de disponibilité : Suis-je capable de mettre en relation les faits et leur fréquence statistique ?

Réaction excessive aux dernières nouvelles ? : Est-ce que j’arrive à prendre le recul nécessaire pour mettre en perspective les dernières nouvelles et en évaluer la portée réelle ?

Corrélation illusoire : Ai-je tendance à établir des relations de cause à effet entre des événements en réalité aléatoires ?

Confiance excessive : Est-ce que je pense avoir une capacité supérieure à la moyenne à anticiper les mouvements sur les marchés financiers ?

Phénomène « je-le-savais » : Est-ce que j’ai tendance à penser que je fais partie de ceux qui avaient été capables de prédire l’évolution des marchés, notamment en cas de krachs boursiers ?